Sols artificialisés : de la reconstruction à la construction des sols

En Europe, la surface occupée par les villes a augmenté de 78 % depuis 1950 et on estime que 2,3 % du territoire européen est imperméabilisé, ce qui représente l’équivalent de 200 m2 par citoyen (European Union, 2012).

Le sol artificialisé a longtemps été considéré comme le support inerte du développement anthropique avec un intérêt marqué pour les ressources du sous-sol et un désintérêt évident pour ce qui pouvait se passer dans la couche supérieure de sol (oubli de ses spécificités et de ses fonctions). L’étalement et l’aménagement des aires urbaines se traduit ainsi par une consommation massive de la ressource en terre fertile non renouvelable.

Le sol urbain est globalement jeune (quelques dizaines à centaines d’années) et il est en général le résultat de dépôts successifs hétérogènes, stratifiés quelquefois sur plusieurs mètres, mais dont les épaisseurs varient en fonction des activités humaines développées au cours du temps. Il présente des horizons de surface souvent massifs, fortement modifiés par l’Homme via des mélanges, de l’incorporation et/ou de l’exportation de matériaux technogéniques souvent grossiers et potentiellement contaminés. En ville, une part importante et croissante de l’espace est dédiée à la végétalisation avec une tendance à réduire les proportions de sols scellés dans les nouveaux projets d’aménagement. Or, le sol urbain est généralement peu fertile pour la croissance des végétaux : tassement, scellement des surfaces, volume restreint et confiné, faible surface d’échange sol-atmosphère, ruissellement, circulation de l’eau et de l’air réduite, fertilisation faible, pollution forte.

Il faut donc trouver des solutions pour améliorer l’aptitude des sols urbains à assurer correctement la fonction de (i) support de production végétale, mais aussi de (ii) filtre, tampon, stockage du carbone, de (iii) régulation du cycle de l’eau, du climat, de la pollution et de (iv) stockage des matières, valorisation et recyclage des déchets urbains. Ainsi en fonction de chaque situation d’aménagement, le sol peut être conservé mais aussi amendé, remanié, voire excavé et remplacé par un autre matériau pour favoriser le développement d’une végétation contrôlée ou spontanée. La réhabilitation des sols urbains en place ou la construction de sols fertiles à partir de sous-produits ou déchets urbains à recycler ou à valoriser afin de préserver la ressource naturelle « sol » devrait permettre une utilisation plus rationnelle des territoires et une résilience de l’écosystème urbain.

Le programme SITERRE a permis de démontrer la faisabilité de la construction de sols fertiles à partir de matériaux recyclés. Une évaluation semi-quantitative des services écosystémiques potentiels rendus par les mélanges du programme SITERRE en comparaison avec la terre végétale ou le mélange terre-pierre montre que les sols construits peuvent offrir de meilleures performances pour certains services comme la régulation du climat global (moins de transport, plus de stockage de carbone). Finalement, les actions majeures à mettre en œuvre sur les sols urbains sont fonction de l’usage et des services écosystémiques envisagés pour le sol afin de développer sa capacité sur le long terme à accomplir ses fonctions efficacement.

EUROPEAN UNION, 2012. Guidelines on best practice to limit, mitigate or compensate soil sealing, Publication Office of the European Union, Luxembourg

Laure Vidal-Beaudet

Enseignant-chercheur Agrocampus Ouest Campus d’Angers