Pollution urbaine : quelles conséquences pour les jardins en ville ?

Vous cultivez un potager dans un jardin partagé ou une parcelle d’un jardin collectif en ville ? Vous envisagez de faire pousser des légumes sur votre balcon ou votre terrasse ? Une question revient souvent chez les jardiniers urbains : la pollution influence-t-elle la qualité de nos récoltes ? Produire en ville représente-t-il un risque pour notre santé ?

Potager en ville ©MATTHIASBUEHNER
Potager en ville ©MATTHIASBUEHNER

Les différentes sources de pollution en zone urbaine :

En milieu urbain, les sources de pollution sont multiples. Les plantes, en poussant dans ces environnements, peuvent absorber certains polluants présents dans le sol par transfert racinaire ou dans l’air par absorption au niveau des parties aériennes. Des dépôts peuvent aussi se fixer directement à la surface des plantes (voir schéma).

La contamination des plantes en milieu urbain provient principalement de trois sources :

  • Les polluants présents dans les sols, liés aux anciennes activités industrielles ou agricoles, aux déchets enfouis depuis des décennies, ou encore à la composition naturelle du sol ;
  • Le ruissellement en provenance de surfaces inertes polluées, comme les toitures ou les dalles en béton recouvertes de peintures au plomb ;
  • Les dépôts de substances toxiques transportées par l’air, qui se déposent ensuite sur le sol et les végétaux.

Les principaux polluants retrouvés en ville

  • Les éléments traces métalliques (ETM) — des métaux reconnus pour leur toxicité, souvent désignés sous le terme de métaux lourds, tels que le plomb (Pb), le cadmium (Cd), le mercure (Hg), le cuivre (Cu) et le zinc (Zn). Ces polluants proviennent de diverses sources : activités industrielles, les canalisations et peintures contenant du plomb, les engrais et pesticides enrichis en cadmium, apports de remblais de mauvaise qualité , épandage de boues d’épuration…
  • Les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) — des composés polluants générés par des combustions incomplètes, en particulier celles provenant du chauffage au bois ou des émissions du trafic routier.
Mecanismes_de_transfert_polluants_plante©JardinerAutrement
Schéma illustrant les mécaniques de transfert des polluants vers la plante ©JardinerAutrement

Les voies d’expositions aux polluants :

Il existe trois principales voies de contamination des espaces de production en zone urbaine: l’ingestion de fruits ou légumes mal lavés, l’ingestion de terre, l’absorption cutané et l’inhalation.

Ces risques sont principalement associés à la contamination des sols, résultant soit de l’ancienne activité du site, soit de sa proximité avec une source de pollution, comme le trafic routier ou des installations industrielles. Cependant, dans la plupart des cas — que ce soit sur les terrasses, les balcons ou dans les jardins partagés — les productions se font en bacs hors sol, ou bien des mesures préventives ont été prises, telles que l’excavation du sol contaminé et la pose d’un géotextile afin de mettre en place une barrière physique entre le sol pollué et le nouveau support de culture. Ainsi, ces risques restent très rares chez les jardiniers urbains et concernent davantage les sites potentiels dédiés à l’agriculture urbaine. Néanmoins, si vous envisagez de louer une parcelle pour y aménager un potager ou un verger, il est recommandé de vous informer au préalable sur la qualité sanitaire des sols, ainsi que sur les analyses et travaux qui ont pu être réalisés avant votre installation.

La biodisponibilité des plantes et la relation avec l’organe consommé :

La capacité d’un polluant à pénétrer dans une plante — ce qu’on appelle sa biodisponibilité — dépend de nombreux facteurs :

L’organe consommé : De manière générale, les fruits ont tendance à moins accumuler les polluants que les feuilles et les racines (à l’exception de la peau des légumes) . En effet, les légumes feuilles et racines, disposent d’une surface d’exposition aux polluants plus importante que les fruits.

Le mode de consommation des légumes : il est recommandé de toujours laver soigneusement les légumes cultivés en milieu urbain pour éliminer les polluants déposés à leur surface. Pour les légumes racines, il est également conseillé de les éplucher, car les contaminants se concentrent souvent dans la peau.

L’influence du type de polluant : D’autre part, les polluants ne s’accumulent pas de manière homogène dans le légume consommé. Le plomb par exemple à tendance à s’accumuler préférentiellement dans la peau des légumes. Le plomb est plus facilement assimilable par les plantes lorsqu’il se trouve dans un sol acide et pauvre en matière organique.

La durée de plantation : plus une plante est exposée longtemps aux polluants plus elle risque d’être atteinte. Par conséquent les légumes vivaces sont exposés à risque de contamination plus élevé que les annuels ou saisonniers.

L’espèce cultivée : les épinards, les choux, le persil, la laitue, les poireaux et la carotte ont été identifiés comme des espèces particulièrement exposées aux polluants.

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Photographie de potagers urbains sur les toits de l'opéra Bastille ©JulietteBlanc

L’influence de la situation géographique du potager :

L’emplacement d’un site de production influence fortement son exposition à la pollution. Des haies végétales ou des bâtiments peuvent freiner la circulation des polluants transportés par l’air. Par exemple, une étude menée à Berlin par I. Saümel et al. (2012) a montré que 67 % des cultures situées à moins de 10 mètres d’une route dépassaient les seuils en plomb fixés par l’Union européenne, contre seulement 38 % pour celles situées à plus de 10 mètres. Ces résultats se retrouvent pour tous les types de légumes observés.

Dans l’étude de B.Grard et al (2012) réalisée sur le potager parisien, il a été constaté que la présence de barrières physiques (végétation ou bâtiment) et la hauteur du site de production influençaient les teneurs en polluants. Plus le site de production s’éloigne du niveau du sol, plus les concentrations en polluants diminuent.

En résumé…

Il est difficile de tirer des règles générales sur la pollution des légumes cultivés en ville, car de nombreux facteurs entrent en jeu. À ce jour, les travaux de recherche menés ne permettent pas de donner des réponses claires ou définitives à ces questions. Cependant, les recherches se poursuivent. Ce lundi 5 mai 2025, le Cirad et l’INRAE ont annoncé le lancement de Rhizotest, un nouvel outil qui permettrait d’évaluer plus facilement le transfert des éléments traces métalliques (ETM) vers les plantes, ainsi que les risques liés à la consommation de ces légumes. 

Conseils pour les jardiniers urbains

  • Il est essentiel de bien laver les légumes autoproduits (en particulier les légumes feuilles)
  • Eplucher des légumes ayant une sensibilité particulière à l’absorption des polluants (ex : carotte)
  • En cas de récupération de l’eau de pluie s’assurer qu’elle ne ruisselle pas en amont sur un toit en zinc
  • Favoriser la culture hors sol (en bac avec un géotextile faisant office de barrière physique, culture en hydroponie, culture en aquaponie…)

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